CORONAVIRUS : QUELQUES RECOMMANDATIONS PRATIQUES AU GOUVERNEMENT

Dans le cadre de cette nouvelle tribune dont l’objectif est de contribuer à la maitrise des conséquences de l’épidémie de coronavirus au niveau national et de limiter ses impacts notamment sur notre sécurité alimentaire et nos finances publiques, je voudrais juste interpeller nos autorités sur 3 problématiques.

1 – Au rythme actuel soutenu de progression du nombre de tests de coronavirus à réaliser chaque jour par les laboratoires nationaux assermentés, et vu le potentiel apparemment très large de nouveaux tests qui nous attendent, il semble important de savoir à ce stade combien coûtent ces actes médicaux à la collectivité. Par ailleurs, dans un esprit d’économie, je recommande aux autorités, si possible, de renégocier le prix de ces prestations à la baisse en vue de réaliser des économies d’échelles. A défaut de facturer à la collectivité nationale les tests au prix coûtant, à guise de participation à l’effort de guerre, les laboratoires concernés devraient établir des structures de prix de revient validés par les Autorisés nationales et accepter une renégociation des marges. 

Les pays producteurs mondiaux, vu les incertitudes liées au coronavirus et les risques de chute de leur production, auront de plus en plus tendance à conserver leur stock

2 – En ce qui concerne les exigences d’autosuffisance alimentaire, tout le monde sait que l’économie mondiale tourne au ralenti. Le Sénégal importe une bonne partie de ses denrées de première nécessité. Les pays producteurs mondiaux, vu les incertitudes liées au coronavirus et les risques de chute de leur production, auront de plus en plus tendance à conserver leur stock. En outre, ils pourraient être submergés par des demandes venant du reste du monde et seront sans doute appelés à faire des arbitrages. Dans un tel contexte, des risques de détournement de cargaisons vivrières sont réels. A l’image de ce que nous avons constaté sur l’approvisionnement en masques dans les pays occidentaux.  Face à un tel environnement, notre pays, dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique de sécurité alimentaire et sanitaire,  devrait réfléchir dès à présent sur une telle situation en trouvant les moyens de fidéliser ses fournisseurs internationaux, sécuriser ses cargaisons et relancer la production locale notamment de biens alimentaires et de médicaments. Dans le contexte de l’opérationnalisation d’une telle vision,  notre brave armée nationale devrait être mise à contribution au regard de sa technicité, de sa discipline et de sa rigueur. Le Gouvernement ne devrait pas hésiter à réquisitionner des unités de production. Le coronavirus est paradoxalement une occasion unique d’atteindre enfin l’objectif d’autosuffisance alimentaire.

3 – Concernant la distribution des biens de premières nécessités, je ne comprends toujours pas pourquoi ne pas donner les aides aux nécessiteux concernés en numéraire au  lieu de le leur fournir en nature. Une telle approche  serait plus pertinente car certains ayant droits  pourraient avoir déjà dans leur stock par exemple du riz et du mil et chercheraient à trouver de l’argent frais pour faire face à d’autres dépenses alimentaires.  Cela permettrait aussi d’économiser en frais de transport, de limiter les risques de corruption, de ne pas mobiliser l’armée dans une distribution très consommatrice de temps afin de lui permettre de se consacrer aux chantiers prioritaires liés au respect des mesures édictées par l’état d’urgence.

Magaye GAYE 
ECONOMISTE  SENEGALAIS 
ANCIEN CADRE DE LA BANQUE OUEST AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT (BOAD) ET DU FONDS AFRICAIN DE GARANTIE ET DE COOPERATION ECONOMIQUE (FAGACE)