
Par Daniel Waly DIONE
Les avancées diplomatiques du tandem présidentiel Diomaye-Sonko ont déclenché une onde de choc dans la sphère politique sénégalaise. Un mouvement salué par une jeunesse avide d’indépendance et qui, pourtant, semble déranger les figures de l’ancien ordre. De nombreux anciens ministres et responsables politiques se manifestent dans les médias, jouant les guides bienveillants alors que leur posture traduit une inquiétude déguisée : celle de voir la nouvelle diplomatie leur échapper.
Parmi eux, Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères (2000–2019), fait un retour remarqué. Sa tribune du 7 juillet, largement relayée, critique la diplomatie actuelle et propose un « recentrage » vers les fondamentaux historiques. Ce plaidoyer soulève une interrogation : s’agit-il d’un véritable apport intellectuel ou d’une tentative de réhabilitation politique camouflée ?
Des critiques aux allures d’appel au passé
Gadio insiste sur la centralité du chef de l’État en matière de diplomatie, dénonçant une dispersion des rôles qui, selon lui, nuirait à la cohérence stratégique. Une déclaration qui renvoie implicitement à sa propre époque, marquée par une diplomatie concentrée entre les mains d’un seul homme. En filigrane, son discours semble vouloir restaurer les schémas diplomatiques du passé.
Mais cette vision entre en collision avec un modèle aujourd’hui plus moderne et complémentaire, reposant sur trois figures clefs :
- Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye définit les grandes orientations, incarne la diplomatie de prestige et représente le Sénégal dans les sommets internationaux.
- Le Premier ministre, Ousmane Sonko, pilote la diplomatie opérationnelle : accords techniques, projets panafricains, et négociations géostratégiques.
- La ministre des Affaires étrangères, Yacine Fall, assure la gestion du réseau diplomatique et défend les intérêts sénégalais au quotidien.
Loin d’être une source de confusion, cette répartition rend la diplomatie plus agile, technique et pragmatique — à rebours des approches anciennes où tout reposait sur une seule voix.
Le « souverainisme africain solidaire » : un concept en quête de cohérence
Dans sa tribune, Gadio appelle à un « souverainisme africain solidaire » — formule séduisante mais qui, dans son contexte, interroge. Est-ce une prise de conscience tardive, ou un aveu implicite d’échec en matière d’intégration régionale durant ses propres années de mandat ?
En comparaison, les actions menées par le gouvernement actuel incarnent un panafricanisme concret. La tournée sous-régionale du Premier ministre du 29 mai au 4 juin 2025 en offre une illustration éclatante :
- Côte d’Ivoire : relance de la Commission mixte, accords dans le numérique, l’agriculture et la sécurité régionale.
- Guinée : signature d’une quinzaine d’accords bilatéraux, coopération sur le gaz et la bauxite.
- Sierra Leone : partenariat énergétique et facilitations d’investissement.
- Burkina Faso : lutte commune contre le terrorisme, échanges culturels et retrait programmé des bases militaires étrangères.
Ces avancées traduisent une volonté de construire des alliances stratégiques régionales durables — sans discours symbolique, mais avec des résultats mesurables.
Une tentative de cadrage déguisée ?
Derrière les critiques de Gadio se dessine une tentative de cadrage politique : encadrer les jeunes leaders pour mieux orienter leurs choix — ou les freiner. En prônant la sacralisation de la parole des anciens, certains essaient de faire valoir une autorité morale, alors qu’ils ont été incapables de se renouveler eux-mêmes face aux évolutions sociétales.
Cette posture met en lumière **un conflit de paradigmes** : d’un côté, une diplomatie d’influence, centrée sur des figures charismatiques et des symboles ; de l’autre, une diplomatie de rupture, fondée sur des institutions, des mécanismes clairs et une vision stratégique partagée.
Une diplomatie à défendre, pas à restaurer
La diplomatie sénégalaise nouvelle version, portée par un exécutif cohérent, bouscule les récits figés et rouvre les imaginaires. Elle refuse les incantations stériles et défie les conservatismes rhétoriques. Elle se veut opérationnelle, souveraine et résolument panafricaine.
Face aux tentatives de réhabilitation masquées, il est essentiel de défendre cette diplomatie de rupture. Car elle est celle que le peuple sénégalais a choisie, en toute clarté, dans les urnes.
Par Daniel Waly DIONE
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